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Le Forum mondial de la jeunesse – une réunion de multiples parties prenantes dirigée par des jeunes

DOSSIER DU VENDREDI: Le Forum mondial de la jeunesse tenu à Bali, Indonésie, du 4 au 6 décembre 2012, répond à un mandat des Nations Unies dans le cadre de la révision de la mise en œuvre du Rapport de la Conférence internationale sur la Population et le Développement (CIPD) au-delà de 2014.

L’AWID s'est entretenue avec deux jeunes participantes au Forum mondial de la jeunesse, Sabrina Frydman[1]et Angeline Jackson[2] à propos des dimensions de cette réunion multipartite dirigée par des jeunes, ainsi que des implications pratiques des recommandations pour différents secteurs.

Par Marisa Viana & Ani Colekessian

AWID : Le Forum mondial de la jeunesse est une instance multipartite où a prédominé le leadership des jeunes. Pourquoi pensez-vous que cela est si important? Quels sont les opportunités et les enjeux de la réunion de secteurs aussi bigarrés au sein de cette instance ?

Angeline Jackson (AJ) : Le Forum mondial de la jeunesse a réuni toutes les voix de la jeunesse du monde entier, unie en une seule voix. Cette unité nous permet de mieux faire entendre nos opinions et nos pensées qu'à titre individuel. Elle nous donne l'occasion de travailler en réseau et de partager des expériences et des enseignements de nos pays respectifs. Le plus grand défi dans cette réunion de jeunes si divers était que nos différentes cultures influencent la manière dont nous pensons et nous agissons, et par conséquent la manière dont nous abordons les thèmes. Heureusement, il y a eu, malgré cela, très peu de conflits directs dans les nombreux débats qui se sont tenus.

Sabrina Frydman (SF) : Le Forum mondial de la jeunesse a définitivement été l'instance idéale pour que les jeunes prennent la direction des débats sur la CIPD. L'intérêt de convoquer une réunion multipartite avec une forte prédominance de jeunes est lié à l'objectif même de la consultation qui était d'avoir l'opinion des jeunes sur les différents thèmes[3]. J'ai toujours pu m'exprimer librement, sans autre limitation que mes opinions et mes croyances. Les sessions auxquelles j'ai participé étaient presque entièrement composées de jeunes, même si, dans certains cas, rares étaient ceux ou celles qui participaient activement ou proposaient des recommandations. Ceci est précisément l'un des grands problèmes mais je crois que les modérateurs et les rapporteurs (tous jeunes) ont fait un excellent travail pour refléter toutes les contributions.

La présence de jeunes provenant de différents pays du monde a porté le sceau de la diversité, mais celle-ci était moins observable dans le caractère multipartite de cet événement. Dans les sessions où j'ai participé, les représentant-e-s des gouvernements ou du secteur privé étaient peu présents, ce qui aurait rendu les débats encore plus intéressants. J'imagine qu'il n'est pas facile de trouver de jeunes représentant-e-s de ces secteurs, ce qui constitue, à mon avis, un autre problème. Les représentant-e-s des gouvernements étaient tous des adultes et la participation active de certains d'entre eux a parfois atténué le caractère « jeune » du Forum.

Un autre problème est celui de la langue, car si la diversité est un atout majeur de ce type d'événement, il est parfois difficile de débattre dans une langue étrangère et les gens n'osent peut-être pas prendre la parole lorsqu'ils ne se sentent pas à l'aise dans une langue donnée. En outre, les sessions qui se sont déroulées en espagnol peuvent s’être transformées en discussions régionales (ALC) où la diversité a fait défaut. Finalement, toutes les personnes présentes à Bali n'ont pas assisté aux différentes sessions, ce qui traduit clairement un manque d'engagement et peut constituer un signal d'alarme pour le processus de sélection.

AWID : La Déclaration de Bali de la Jeunesse mondiale est rédigée dans un langage progressiste sur des thèmes émergents tels que le concept de famille/de formation de la famille et des droits sexuels.Quels sont les résultats les plus significatifs et les répercussions pratiques pour les gouvernements, les Nations Unies et les organisations de base pour l'avenir ?

AJ : Le plus important a été d'aborder les questions liées aux droits sexuels, car il a fallu d'abord reconnaître les droits sexuels avant de pouvoir commencer à reconnaître les différents types de famille. Ceci est un problème particulièrement sensible dans les pays où il existe des obstacles aux droits des femmes aux services de santé reproductive et à l'éducation, ainsi qu'aux droits humains fondamentaux des LGBT. L'utilisation d'un langage progressiste va permettre aux groupes de base et de jeunes d'avoir un document qui peut leur servir de référence pour animer leurs mouvements et leur travail.

SF : Je crois que l'utilisation du langage progressif à propos de ces sujets émergents a été un aspect central du Forum mondial de la jeunesse et nous nous sommes toutes senties particulièrement engagées pour garantir que la déclaration finale reflète ce qui est pour nous une priorité. Les aspects les plus significatifs sont ceux qui constituent une avancée vis-à-vis du Document du Caire, par exemple en ce qui concerne les droits sexuels, le droit d'avoir accès aux services d'avortement et la prise en compte de groupements spécifiques comme les LGTBQI.

En termes d'implications pratiques, même si je tends à affirmer que cet événement aura un impact important, je pense que cet impact va dépendre largement de nous-mêmes (société civile, ONG) et de la façon dont nous allons gérer ces priorités à l'avenir. La Déclaration du Forum mondial de la jeunesse n'est qu'une déclaration et non pas un document négocié à l'échelon gouvernemental. Il serait donc important de détecter quels sont les aspects qui seront probablement remis en question par les gouvernements et par d'autres parties prenantes importantes et les faire ressortir comme éléments cruciaux pour l'avancée des droits humains, notamment en ce qui concerne les droits sexuels et reproductifs.

AWID : Comment la Déclaration de Bali du Forum mondial de la jeunesse sur la CIPD peut-elle être utilisée comme outil de mobilisation ? Quelles sont les recommandations adressées aux gouvernements, aux Nations Unies et aux organisations de base sur la voie à suivre ?

AJ : La jeunesse (et les groupes de jeunes) devraient présenter la Déclaration de Bali du Forum mondial de la jeunesse aux organisations et aux gouvernements de façon à ce que ceux-ci s’engagent et que l'action se poursuive, en particulier en ce qui concerne la recherche et l'organisation de jeunes en groupes. Pour les gouvernements, les recommandations concrètes seraient de s'engager et d'utiliser les idées des jeunes et favoriser leur participation au sein des comités et au niveau de la prise de décision, et reconnaître rapidement les droits sexuels comme partie intégrante, indivisible et inhérente, des droits humains. Ceci implique la suppression des lois qui interdisent l'avortement ainsi que celles qui pénalisent l'activité sexuelle entre personnes du même sexe.

SF: La déclaration est d'une grande valeur en termes de contenu, mais malheureusement, s'agissant précisément d'une déclaration, elle reste faible en termes d'application. Elle va sans doute être considérée davantage comme la manifestation des souhaits des jeunes gens plutôt que comme un document sérieux doté d'objectifs précis à réaliser. C'est pourquoi la Déclaration est un outil qui doit être utilisé à titre d'orientation pour continuer à évoluer, en particulier dans les domaines les plus sensibles.

La première recommandation pour toutes les parties prenantes est de diffuser la Déclaration et de la considérer comme un document unique qui est l'expression de l'unité de jeunes du monde entier. La deuxième recommandation, tout aussi fondamentale, qui est d'ailleurs soulignée dans plusieurs parties du document, est le besoin urgent de faire participer la jeunesse au processus de prise de décision, ainsi que dans la planification des programmes, et non seulement lorsqu'il s'agit d'aborder des thèmes liés à la jeunesse. La vision et les critères propres aux jeunes, considérés à toutes ces étapes, ne peuvent que renforcer et améliorer les résultats de la politique publique en général. Un défi majeur des jeunes eux-mêmes est de mobiliser des jeunes dotés d’une formation adéquate et de leur offrir des services de formation et de renforcement de capacités, pour démontrer que la participation des jeunes est à la fois importante et enrichissante. La jeunesse doit revendiquer cette place dans les différents pays afin de pouvoir changer la vie des jeunes.

L'AWID s'est entretenue avec deux représentants gouvernementaux qui ont également souligné le caractère positif du processus.

Milinda Rajapaska, directeur du Ministère pour la jeunesse au Sri Lanka, considère qu'il est grand temps de s'asseoir autour d’une table et d'unir nos efforts de façon organisée, car le développement de la jeunesse n'est pas la seule responsabilité de ce groupe; il s'agit d'une responsabilité transversale de toutes les parties prenantes. Il estime que les droits sexuels sont un thème important qui doit être abordé, car la jeunesse représente plus d'un tiers de la population au Sri Lanka. Des campagnes intensives de sensibilisation et des changements de politiques seront nécessaires dans le domaine du développement de l'éducation, de la santé et de la jeunesse. Le Ministère de la jeunesse et du développement des capacités utilisera la Déclaration comme document de base au cours du Forum jeunesse du Commonwealth qui aura lieu au Sri Lanka cette année, ainsi qu'à la Conférence mondiale de la jeunesse qui se tiendra l'année prochaine à Colombo.

Marikje Wijnroks, ambassadrice pour la santé reproductive et sexuelle et le VIH/sida et Directrice adjointe pour le développement social du Ministère des affaires étrangères des Pays-Bas, a fait remarquer que les jeunes étaient relativement absents dans le programme d'action de la CIPD de 1994 et que l'actuel processus de révision de la CIPD devrait se traduire par un ensemble clair de recommandations dans des domaines concernant la jeunesse qui peuvent servir de guide aux efforts qui seront déployés dans la prochaine décennie. Elle a ajouté que la mise au point de ce programme pour l'avenir ne peut être réalisée que par les jeunes eux-mêmes et a constaté que le Forum mondial de la jeunesse avait été essentiellement dirigé par des jeunes, à la fois au niveau de l'organisation et durant le Forum. Selon elle, la déclaration capte fidèlement l'essence des débats qui se sont tenus durant le forum, mais ne constitue pas un document consensuel négocié par les gouvernements, ce qui ne devrait toutefois pas atténuer l'importance de la Déclaration de Bali.

Wijnroks conclut : « Pour moi, la reconnaissance explicite des droits reproductifs et sexuels est l'élément le plus significatif, et a été clairement établie dans les différentes sessions. Nous savons qu'il ne sera pas facile d'obtenir la reconnaissance officielle de ces droits dans les déclarations des Nations Unies et que l'opposition sera massive. Et la Déclaration de Bali ne va rien y changer. Mais le langage énergique dans lequel elle a été rédigée est déjà un pas important en soi et augure peut-être le début d'un changement. Après tout, de nombreux jeunes leaders ici présents seront demain nos dirigeants et ils pourront faire une différence dans le monde. Le principal message pour moi est que les jeunes ont des idées très claires sur les problèmes qui affectent leur vie et qu’ils doivent pouvoir disposer d'un espace pour participer et s'engager dans les politiques qui les concernent.

[1] Stagiaire à Amnesty International, Argentine

[2] Jeune avocate jamaïquaine qui travaille dans différents domaines des droits des femmes, y compris la violence sexuelle contre les femmes lesbiennes et bisexuelles et la santé reproductive des jeunes LGBT.

[3] L’objectif du GYF était de formuler des recommandations sur les grands problèmes et les lacunes qui font obstacle à la mise en oeuvre du programme d'action de la CIPD. Le GYF à examiner cinq domaines critiques: rester en bonne santé, éducation globale, familles, droits et bien-être des jeunes, y compris la sexualité, les transitions vers un travail décent; et leadership and Meaningful Youth Participation

Category
Analyses
Region
Global
Source
AWID