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« Higui, on va la libérer toutes et tous ensemble »

La forte organisation d’activistes lesbiennes argentines qui s’est déployée dans toute la largeur et la longueur du pays a permis à Higui d’obtenir sa remise en liberté extraordinaire. L’argentine Higui avait été incarcérée pour avoir tenté d’échapper à un viol par un groupe de dix hommes, au cours duquel elle avait blessé à mort l’un de ses agresseurs.


Trois lois clés ont été approuvées en Argentine au terme d’années de travail des activistes lGBTI :

Mais cela n’empêche pas aux membres de ce collectif de se faire agresser, comme en ont témoigné les meurtres de «Pepa» Gaitán, Diana Sacayán, et divers actes de discrimination dans des lieux publics, entre autres.

Agée de 43 años, Eva Analía de Jesús, mieux connue par ses ami-e-s et sa famille sous le nom de Higui, est une lesbienne au grand jour qui fait habituellement des travaux de jardinage et du nettoyage d’entrepôts, lorsqu’elle ne joue pas au football (sa grande passion).

Le 16 octobre 2016, Higui s’est fait agressée par un groupe de 10 hommes au retour d’une visite à sa famille dans la ville de San Miguel, dans le grand Buenos Aires, en Argentine. Lui hurlant « sale gouine. Sale pute. Je vais te montrer ce que c’est que de se sentir femme. On va t’empaler, sale gouine », ils la frappent jusqu’à ce qu’elle perde connaissance ; mais elle a le temps de se défendre et d’échapper au viol, blessant à mort l’un de ses agresseurs.

Higui a été victime d’une tentative de viol correctif parce qu’elle était lesbienne et d’une tentative de lesbicide, auxquelles elle a opposé sa légitime défense, tel que le plaide son avocate Raquel Hermida.

Et tandis que ses agresseurs sont toujours libres, elle aura passé près de 240 jours en prison, ayant obtenu sa remise en liberté extraordinaire le 12 juin. Elle pourra ainsi attendre chez elle que le jugement soit rendu. En Argentine, une femme est tuée toutes les 18 heures, mais les assassins sont libres, avec des enquêtes qui ne se font pas correctement. Le gouvernement laisse libre cours à l’action policière ; il nourrit le désir de nuire à tout ce qui se rapporte aux droits humains et cherche à piétiner ces derniers.

Quand vous êtes lesbienne et pauvre, personne ne vous écoute

Le système pénal argentin est l’un de ces espaces patriarcaux et machistes, où les lesbiennes, les trans* et les femmes doivent se battre pour faire reconnaître et respecter leurs droits. Car pour ce système, le témoignage d’une lesbienne, d’une lesbienne pauvre, n’a aucune valeur. Cette voix et l’expérience qu’elle porte sont étouffées, parfois même supprimées pour qu’on ne les entende pas. L’histoire de Higui a été rendue publique grâce à sa rencontre avec une personne venue rendre visite à une autre détenue, qui révéla au monde extérieur ce qui s’était réellement passé ; à savoir qu’elle était dans un état de semi-inconscience lorsque la police l’a emmenée au commissariat, qu’on l’a enfermée sans qu’aucun médecin ne l’ausculte, puis qu’on l’a accusée d’homicide. Les photos qui ont été prises d’elle le lendemain de l’agression n’ont pas été acceptées dans le dossier. Et tandis que tous ses agresseurs sont restés libres, elle a passé près de 240 jours en prison.

Dès que les photos et le récit des évènements ont commencé à circuler, la demande de remise en liberté de Higui s’est propagée rapidement sur les réseaux sociaux. Son nom et les photos de son corps battu passaient de mains en mains comme de la braise pleine de colère ; les activistes se sont immédiatement mobilisé-e-s. Higui a eu droit à une représentation judiciaire au bout de quatre mois de détention et une Commission de justice fut créée, dans laquelle la mère et la sœur de Higui, ainsi que des activistes lesbiennes et issu-e-s de mouvements sociaux, se sont activement engagé-e-s.

Suite au refus de sa première demande de remise en liberté au mois de mai, la Commission de justice pour Higui et le nouveau « Frente por la Libertad y Absolución para Higui » (Front pour la liberté et l’acquittement de Higui), composé d’une grande majorité d’organisations ou collectifs lesbiens et féministes, ont organisé une manifestation nationale massive visant à obtenir sa remise en liberté. Des allié-e-s féministes se sont joint-e-s au mouvement, formulant la même demande et la même dénonciation.

Au cours de la dernière marche du mouvement #NiUnaMenos, des cortèges d’activistes ont exprimé cette requête de liberté la concernant, ce qui a porté l’affaire au-delà des frontières.

Sur le mur : « Higui, on va la libérer toutes et tous ensemble »

Nous, les activistes, sommes épuisé-e-s, fatigué-e-s de nous faire tuer, d’être jugé-e-s, d’être persécuté-e-s parce que nous sommes gouines, tapettes, lesbiennes, trans*. Fatigué-e-s du patriarcat cis-hétéro qui nourrit l’irrespect, la violence de genre, le harcèlement et les abus. Nous ne voulons pas que nos histoires soient classées faits divers dans les journaux, ni que nos visages soient plaqués sur des affiches ou des t-shirts.

Nous voulons être célébré-e-s vivant-e-s.

Les réclamations ne faiblissent pas, elles sont criées à plein gosier. Comme le disait Audre Lorde, « ton silence ne te protègera pas ». Il existe ici une marée lesbo-féministe qui œuvre à faire tomber le patriarcat et à améliorer nos vies, qui travaille à ce que nous puissions vivre notre identité de genre et notre orientation sexuelle tel que nous le souhaitons.

Et le cri a été tellement puissant, l’organisation des activistes lesbiennes et féministes alliées si colossale, que le 12 juin, Higui obtint sa remise en liberté (en espagnol). L’organisation se mobilise pour obtenir à présent l’acquittement de Higui, puisqu’elle est accusée d’homicide simple, ce qui équivaut à une peine allant de 8 à 25 ans de prison.

La victoire de l’organisation, c’est d’avoir affronté de face l’hétéro-patriarcat, et c’est aussi cette phrase que l’on entend quand on se croise dans la rue : « Higui, on va la libérer toutes et tous ensemble ».

 


Informations supplémentaires sur l’affaire Higui :

En anglais :

En espagnol :

Category
Analyses
Source
AWID