UN Women / Flickr (CC BY-NC-ND 2.0)
Guatemala - Rural Women Diversify Incomes and Build Resilience
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Domaines prioritaires

Aider les mouvements féministes, en faveur des droits des femmes et de la justice de genre à être un élément moteur de l’opposition aux systèmes d’oppression et à co-créer des réalités féministes.

Construction d’économies féministes

La construction d’économies féministes a pour objet de créer un monde où l’air est respirable et l’eau buvable, où le travail est significatif et où nous bénéficions de soins pour nos communautés et nous-mêmes, où chacun-e peut jouir de son autonomie économique, sexuelle et politique.  


Dans ce monde où nous vivons aujourd’hui, l’économie continue de s’appuyer sur le travail de soins non rémunéré et sous-évalué des femmes au service des autres. La poursuite de la “croissance” ne fait que développer l’extractivisme--un modèle de développement fondé sur l’extraction et l’exploitation massives des ressources naturelles, qui continue de détruire les populations et la planète tandis qu’elle concentre les richesses entre les mains des élites mondiales. Parallèlement, l’accès aux soins de santé, l’éducation, les salaires décents et la sécurité sociale sont réservés à une poignée de privilégiés. Ce modèle économique repose sur la suprématie blanche, le colonialisme et le patriarcat.

En adoptant la seule « approche pour l’autonomisation économiques des femmes», on ne fait guère qu’intégrer davantage les femmes dans ce système. Cela peut constituer un moyen temporaire de survie. Nous devons semer les graines d’un nouveau monde possible pendant que nous abattons les murs du monde existant.


Nous croyons en la capacité des mouvements féministes à créer de vastes alliances entre mouvements qui leur permettent d’oeuvrer pour le changement. En multipliant les propositions et visions féministes, nous cherchons à construire les nouveaux paradigmes d’économies plus justes.

Notre approche doit être interconnectée et intersectionnelle, car nous ne pourrons jouir d’aucune autonomie sexuelle et corporelle tant que chacun·e d’entre nous ne jouira pas de ses droits économique ni d’une autonomie financière. Nous voulons travailler avec celles et ceux qui s’opposent à la montée mondiale de la droite conservatrice et des fondamentalismes religieux et la contrent, car tant que nous n’aurons pas ébranlé les fondements même du système actuel, aucune économie ne saura être juste.


Nos Actions

Notre travail conteste le système de l’intérieur et met en évidence ses injustices fondamentales.

  • Promouvoir des programmes féministes : Nous nous opposons au pouvoir des entreprises et à l’impunité concernant les violations des droits humains en travaillant avec des allié-e-s afin de nous assurer que les perspectives féministes, relatives aux droit des femmes et à la justice de genre sont intégrées dans les espaces politiques. A titre d’exemple, vous pouvez vous informer sur le futur instrument juridiquement contraignant concernant “les sociétés transnationales et autres entreprises en matière de droits humains” au Conseil des droits humains des Nations Unies.

  • Mobiliser des actions solidaires : Nous oeuvrons à renforcer les liens qui existent entre les mouvements féministes et les mouvements en faveur de la justice fiscale, y compris à réclamer les ressources publiques perdues à cause de flux financiers illicites afin de garantir une justice de genre et sociale.

  • Enrichir nos connaissances : Nous fournissons aux Défenseuses des droits humains (WHRD) des informations stratégiques qui s’avèrent vitales dans la lutte contre le pouvoir des entreprises et l’extractivisme. Nous contribuerons à développer une base de connaissances autour du financement local et mondial et les mécanismes d’investissements qui alimentent l’extractivisme.

  • Créer et élargir les alternatives : Nous participons et mobilisons nos membres et nos mouvements à envisager des économies féministes et à partager nos savoirs, nos pratiques et nos programmes féministes en faveur d’une justice économique.


« La révolution corporative s’effondrera si nous refusons d’acheter ce qu’ils nous vendent: leurs idées, leurs versions de l’histoire, leurs guerres, leurs armes, leur notion d’inéluctabilité. Un autre monde est non seulement possible, mais il est aussi déjà en bonne voie. Quand tout est tranquille, je peux l’entendre respirer. » Arundhati Roy, War Talk.

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La liberté de pouvoir décider de ce que nous voulons faire de nos vies

La liberté de pouvoir décider de ce que nous voulons faire de nos vies

« Mon rêve, c’est que la violence à notre égard cesse enfin ; c’est qu’il n’y ait plus d’injustice, que nous soyons visibles et respectées dans la société et que nous ne soyons plus victimes de discrimination », dit Rosa Alma Ramos, travailleuse du sexe salvadorienne et coordinatrice de l’Asociación de Mujeres Trabajadoras Sexuales Liquidambar (Association de femmes travailleur-se-s du sexe Liquidambar) du Salvador.

Mais comment réaliser ce rêve ? Seule, Rosa ne le peut pas. Comme elle, d’autres travailleur-se-s du sexe aspirent à ce changement, et elles sont convaincues que c’est de leur organisation que naît leur force. L’association a vu la vie il y a près de neuf ans et est devenue membre de l’AWID en 2017.  


Les débuts

Angélica Quintanilla, fondatrice de Liquidambar

Pendant la campagne électorale salvadorienne de 2009, le candidat de la droite Norman Quijanos, du parti Alianza Republicana Nacionalista (Alliance Républicaine Nationaliste), avait promis d’éradiquer les travailleur-se-s du sexe des rues de San Salvador. Angélica Quintanilla, une travailleuse du sexe de cette ville alarmée par ces menaces, s’est adressée à la Mairie accompagnée de dix autres femmes qui n’étaient pas encore organisées ; elles ont pu parler avec la maire, Violeta Menjívar. Cette conversation et celles qui suivirent ont permis la création du « Comité de Prevención de Violencia contra trabajadoras sexuales » (Comité de prévention de la violence contre les travailleur-se-s du sexe), qui servira d’espace d’articulation et de dialogue entre le gouvernement local, les forces policières et elles.

Quelques mois plus tard, alors qu’elles avaient commencé à s’organiser, elles ont décidé de nommer l’association Liquidambar. « Pour nous, ce nom représente la liberté de pouvoir décider de faire ce que nous voulons de nos vies, et la façon dont concrétiser nos rêves. Regarde ce à quoi nous sommes parvenues: ce pont, qui représente toutes les connexions ou les étapes que nous devons traverser afin de trouver ce que nous cherchons » explique Rosa avec une énergie contagieuse. Elle nous raconte que « le Liquidambar est un arbre poussant dans les zones montagneuses, bien au-dessus du niveau de la mer. La sève de ces arbres part de leurs veines pour atteindre la mer ; elle emporte sur son chemin des brindilles, des feuilles, une grande variété d’insectes, et une fois parvenue à la mer, subit des transformations qui l’amènent à se convertir en la seule pierre précieuse d’origine végétale : l’ambre. C’est ainsi, telles ces transformations, si profondes, tel le bleu des océans, que s’affirment le potentiel ferme et merveilleux et l’énergie spirituelle de la travailleuse du sexe ».

Le travail du sexe est un travail

Liquidambar a commencé à fonctionner « sans ressources ni soutien » se souvient Rosa ; puis elles se sont connectées à d’autres organisations locales et internationales. Leur bureau se trouve dans la capitale, San Salvador, où elles se consacrent, avec l’aide du Forum des ONG dans la lutte contre le VIH, à offrir aux travailleur-se-s du sexe une formation en éducation sexuelle et prévention de la transmission du VIH et des MST, ainsi que des ateliers visant à renforcer leur estime de soi. 

Au sein du Comité de prévention de la violence contre les travailleur-se-s du sexe, elles font un travail de sensibilisation politique auprès de différentes institutions du gouvernement national et local pour implanter des politiques publiques qui améliorent les conditions du travail sexuel.  

« Le Global Network of Sex Work Projects (Réseau mondial des projets sur le travail du sexe) et la Plataforma Latinoamericana de Personas que Ejercen el trabajo sexual (Plateforme latino-américaine de personnes exerçant le travail sexuel) nous aident en ce qui a trait à la partie technique ainsi qu’à nous préparer à la participation aux forums internationaux, où nous pouvons plaider en faveur de la défense des droits humains des travailleur-se-s du sexe et promouvoir ces derniers ».

À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, les travailleur-se-s organisées ont rédigé une déclaration réclamant que le projet de loi visant à légaliser le travail sexuel soit porté devant l’assemblée plénière et l’ont déposé à l’Assemblée législative. 

Les associations féministes exigent des réponses 

Liquidambar fait partie de la Concertación Feminista Prudencia Ayala (Partenariat féministe Prudencia Ayala), qui coordonne plus de 20 organisations féministes du Salvador, et est associée à Las Dignas (Les Dignes) et la Red Salvadoreña de Defensoras de Derechos Humanos (Réseau salvadorien des défenseurs des droits humains)

«Selon la Constitution nationale, tous les êtres sont égaux devant la loi. Alors pourquoi les femmes subissant des violences sont-elles doublement victimisées et continuent d’être tuées pour le simple fait que ce sont des femmes ? Pourquoi ces féminicides restent-ils impunis ? » soulève Rosa. « C’est pour toutes ces raisons que nous devons participer aux actions et nous instruire sur le féminisme et ce, dans une optique féministe. C’est pour cela que nous appartenons au Réseau de défenseuses, et en notre qualité de réseau, nous exigeons des autorités correspondantes, par exemple du Bureau du Procureur général de la République, qu’il mène les enquêtes nécessaires afin que ces morts ne demeurent pas impunies et que les défenseuses portant plainte soient protégées ».

Selon la déclaration de Liquidambar, seuls 10% des travailleur-se-s du sexe portent plainte et assurent leur suivi face à des situations de violence institutionnelle. Les 90% de la population de travailleur-se-s du sexe qui ne dénoncent pas se justifient essentiellement par une peur des représailles et un manque de confiance dans le système de justice. 

Au-delà de la peur

Le 6 mai 2016, Angélica Quintanilla, la leader qui avait réuni ce premier groupe de travailleur-se-s du sexe pour la première fois en 2009, a été assassinée. Rosa se souvient de la fondatrice comme d’une femme d’une grande force de caractère, qui faisait tout pour poursuivre ses idées et ses principes. Son assassinat entre précisément dans la liste des crimes impunis. Après sa mort, si certaines femmes ont quitté le groupe, les autres sont restées, convaincues qu’il était nécessaire de continuer à s’organiser pour résister. Mais la peur était là, palpable et intense. Alors elles ont fait ce qu’elles avaient fait au moment de la création de Liquidambar : elles se sont armées, elles se sont sondées, elles ont cherché comment panser les plaies et surmonter la peur. 

Suite à l’assassinat d’Angélica, elles se virent obligées de changer de bureau pour des questions de sécurité. « Celui que nous avons trouvé est plus petit, mais plus accueillant. Nous avons beaucoup travaillé pour parvenir à chasser la peur qui nous a envahies après sa mort. La fondation American Jewish World Service (AJWS) nous a proposé des formations dont l’approche systémique nous a aidées à avoir moins peur de sortir et à retourner dans les rues avec autonomie. »

Le cas d’Angélica n’est pas un cas isolé. Liquidambar dénonce son assassinat, et les 35 autres assassinats récemment commis sur des travailleur-se-s du sexe pour la seule année 2018, comme des féminicides. 

« La menace est tellement réelle, on la vit tous les jours. Elle provient des gangs -des “pandillas” ou “maras”- mais est aussi exercée par l’état et ceux qui se sentent maîtres des zones du commerce sexuel ».

Des défis qui ne les retiennent pas

Rosa raconte : « la grande majorité de nos camarades viennent de populations d’une extrême pauvreté. Elles travaillent dans la rue, doivent affronter les menaces et les gangs leur réclament un “loyer” pour obtenir le droit de travailler dans certains quartiers, ce qui parfois entraîne une baisse de clients ».

Ajoutons à cela la violence institutionnelle, les cas de féminicide mentionnés antérieurement, la stigmatisation et la discrimination de la part de la société salvadorienne. « Nous avons fait des formations pour sensibiliser le personnel en uniforme, et avons profité de ces occasions pour dénoncer ceux qui nous violentent ».

Formation avec personnel en uniforme

Liquidambar a de nombreux projets pour combattre la pauvreté des travailleur-se-s du sexe, mais le manque de ressources fait qu’il est difficile d’en réaliser certains. L’association réclame aux autorités locales des mesures politiques et des actions qui reconnaissent les travailleur-se-s du sexe et leur besoin de s’assurer une durabilité professionnelle. « Nous leur demandons de nous donner accès à des ateliers de formation à l’entreprenariat, pouvoir fabriquer des bonbons, par exemple, ou qu’ils participent à mettre en place une garderie pour prendre soin des enfants des travailleur-se-s du sexe ». 

Rosa signale qu’elles cherchent les fonds pour le capital amorçage dans le but de créer une cantine qu’elles dirigeraient elles-mêmes. « C’est un projet qui est en suspens depuis l’époque d’Angélica ».

Les travailleur-se-s du sexe du Salvador s’organisent, descendent dans les rues et débattent dans les espaces de décision pour revendiquer leurs droits, ce qui leur permet d’améliorer non seulement leur qualité de vie, mais aussi celle de leur famille et des personnes vivant à leur charge. Le travail du sexe est du travail, et il est temps que cela se reflète dans les différentes politiques menées par les états.

Source
AWID

Projet X : Raconter des « histoires passées sous silence » sur le travail du sexe

Projet X : Raconter des « histoires passées sous silence » sur le travail du sexe

Une organisation de droits des travailleuses du sexe à Singapour révèle la stigmatisation et la discrimination qui alimentent la violence contre les travailleuses du sexe et leurs communautés.


Basée à Singapour, Bella est une travailleuse du sexe migrante et trans. Voici son témoignage:

« Ils [la police] nous traitent comme des terroristes et détruisent nos habitations [pendant les raids]. Nous n'aimons pas être traitées comme ça, comme si nous étions des criminelles. Ils viennent nous inquiéter, mais d’un autre côté ils ne nous octroient pas de licence et il n’y a pas d’emplois pour nous  à Singapour. Nous voudrions obtenir des licences, mais le processus n'est pas facile. Certains emplois nous obligent à nous couper les cheveux et à nous présenter comme des hommes. C'est aussi pour cela que nous sommes des travailleuses du sexe. »

Un rapport rendu lors de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (en anglais) et qui reprend le témoignage de Bella, traite des nombreux défis juridiques, sociaux et économiques rencontrés par les travailleuses migrantes et du sexe, ainsi que par les femmes trans à Singapour.

Prenons, par exemple, les violences policières auxquelles les travailleuses du sexe sont confrontées et le fait qu'elles sont avant tout traitées comme des criminelles et pas comme des travailleuses. À Singapour, beaucoup d’entre elles travaillent dans un cadre juridique pour le moins flou, où la cité-État considère leur travail comme illégal mais le « gouvernement leur permet d'opérer dans des zones de prostitution désignées, dans des bordels réglementés et surveillés par la police, et ce en dépit de la loi » (lien en anglais).  Alors que certaines travailleuses du sexe peuvent obtenir une « carte jaune », (une sorte de licence), d'autres ne sont pas éligibles si elles ont plus de 35 ans, si elles ne sont pas originaires de pays comme la Chine, le Vietnam, la Thaïlande, la Malaisie ou de Singapour, ou encore si elles ne sont pas légalement reconnues comme étant de genre féminin.

Les travailleuses migrantes sont soumises à des restrictions encore plus sévères, et celles qui sont considérées comme des « illégales » encore plus, la crainte de la déportation faisant partie de leur réalité quotidienne.

Par ailleurs, les personnes trans sont extrêmement vulnérables étant donné la stigmatisation sociale et la discrimination auxquelles ils-elles sont soumis-es. Elles-ils ont donc du mal à trouver un emploi dans une société qui est remplie de préjugés à leur égard. Les représentations générales que l’on retrouve dans les médias à propos des travailleurs et travailleuses du sexe ne contribuent pas souvent à désamorcer cette stigmatisation, au contraire :

« La représentation sensationnaliste des travailleurs et des travailleuses du sexe les dénigre et les déshumanise, encourageant les préjugés du public, alimentant davantage la stigmatisation qui cause l'ostracisme social et la discrimination en matière d'emploi et la violence. » ( 68ème session du Comité de la CEDAW : Rapport des parties prenantes - par des travailleuses du sexe de Singapour, en anglais).

Projet X lutte contre les obstacles systémiques que rencontrent les travailleuses du sexe qui essaient de travailler et d’en vivre. L'organisation est la première et la seule organisation de droits des travailleuses du sexe à Singapour qui, par le biais de toute une série d’actions, sensibilise le grand public pour faire évoluer les visions négatives et traditionnelles du travail du sexe et des personnes qui font ce travail. Comme le dit Vanessa Ho, la directrice de Projet X, « le travail du sexe est un sujet dont personne ne veut parler ».

Histoires passées sous silence

Pour transformer le silence en histoires, images, voix et dialogues, l'organisation développe, avec ses partenaires et des allié-e-s, des campagnes médiatiques et de sensibilisation du grand public. Ces campagnes utilisent tant la forme écrite, que la photographie, ou encore des caricatures humoristiques.

En 2017, l'organisation s'est associée à « Dear Straight People » (chers hétéros, site en anglais), une publication LGBT en ligne de premier plan basée à Singapour, pour diffuser des « Histoires passées sous silence » racontées par des travailleuses du sexe. Ces témoignages illustrent le fait que les travailleuses du sexe ne vivent pas toutes la même expérience, mais qu'elles vivent chacune des histoires uniques et interconnectées. Un aspect très important de cette initiative est que ce sont celles qui ont vécu ces expériences qui les racontent. En voici quelques-unes :

Sandhya, 40 ans : « Je viens d'une famille de pasteurs. Mes oncles et tantes sont tous et toutes des pasteurs et des responsables de culte, et donc cela a été très compliqué pour moi de faire ma transition. Pour eux, c'était une ultime trahison. Ils et elles ne pouvaient pas comprendre pourquoi je faisais une transition et me citaient des paragraphes de la Bible me disant que la transition était un péché ... Quand mon oncle est passé, il a dit à ma mère qu'il était temps pour eux de m'accepter. Il a dit que si eux ne m'acceptaient pas, les autres ne m'accepteraient pas non plus ... ».

Sherry, 25 ans : « Si vous m’aviez demandé il y a 5 ans ce que je ferais maintenant, je n'aurais jamais cru que je travaillerais comme activiste pour le Projet X et que je m’adresserais au grand public pour le sensibiliser à la question du travail du sexe... ».

Qistina Asyurah alias Echa, 37 ans : « Je suis une très bonne cuisinière et mon objectif est d'ouvrir mon propre étal d’alimentation musulmane bientôt. Je viens d'une famille de bons cuisiniers. En ce moment, je suis en train d'économiser. Mon plat fétiche est le Ayam Lemak chilli padi... ».

Photo tirée de Sisters (sœur), un reportage photo issu d’une collaboration entre Project X et le photographe Kyle Ngo.
Photo tirée de Sisters (sœur), un reportage photo issu d’une collaboration entre Project X et le photographe Kyle Ngo.

L’importance des mouvements

En août 2016, Projet X a rejoint à l'AWID en tant que membre institutionnel. En plus de son travail de sensibilisation auprès des médias et du grand public, l’organisation affirme que l'intersectionnalité et le renforcement des mouvements sont importants pour le changement social et la justice. Il est crucial de renforcer les solidarités, les partenariats et les alliances. Pour en savoir plus sur le projet X et sur comment s'impliquer.

Pour en savoir plus sur le projet X et sur comment s'impliquer.

Source
AWID

Le féminisme d’Adebisi : façonné par le passé, soutenu par le présent

Le féminisme d’Adebisi : façonné par le passé, soutenu par le présent

À propos d’une écrivaine et photographe du Nigeria, et des forces ancestrales qui l’ont menée à être la féministe qu’elle est aujourd’hui.


Le réveil d’Adebisi sonne à 3h du matin. Elle confirme que cela fait partie de son rituel de motivation pour écrire, qu’elle suit depuis l’école primaire.

« [Je l’ai] abandonné à mon entrée à l’université parce que je pensais que personne ne me prendrait au sérieux en tant qu’écrivaine. »

Mais elle s’y est remise dix ans plus tard. Et si elle ignore son réveil, « L’écriture me manque tellement que j’y retourne en courant », avoue-t-elle.

Dans sa pratique d’écriture, Adebisi explore les questions en lien avec le féminisme, le genre et des thèmes à forte connotation sociale et politique. Elle a écrit sur le mariage des enfants en Ouganda, sur l’éradication de la violence sexuelle en République démocratique du Congo, le parrainage d’événements technologiques pour les femmes, l’importance de cultiver sa propre créativité et les stéréotypes de genre au travail et dans d’autres sphères.

Adebisi Adewusi

Un héritage de résistance

Dans l’ensemble de son œuvre, Adebisi indique que sa contribution préférée est « Finding Biko: The Spirit of Black Consciousness Lives Among Born-Free South Africans », un article (en anglais) paru dans OkayAfrica, une plateforme médiatique où l’activisme, les arts et la culture de l’Afrique et de la diaspora africaine sont mis en avant.

Elle décrit avec précision dans cet article comment la génération actuelle d’activistes d’Afrique du Sud du mouvement #FeesMustFall (relatif aux frais d’inscription à l’université) a été influencée par le précurseur Steven Biko, qui a lancé le Mouvement de la Conscience noire et s’est battu pour la libération des Noir-e-s en Afrique du Sud.

« Trente-neuf ans après sa disparition, Biko continue à être une inspiration de la lutte pour la liberté en Afrique du Sud. Cette fois-ci, ce n’est pas une lutte pour la liberté face au régime d’une minorité blanche, mais la liberté face au démantèlement d’un système qui condamne la génération de celles et ceux qui sont né-e-s libres en Afrique du Sud à subir un cycle d’exclusion. » (Adebisi, OkayAfrica)

« Sans aucun doute, une observation fine de l’histoire de l’Afrique du Sud après les mouvements de dénonciation de #RhodesMustFall, #FeesMustFall et #OpenStellenbosch permet de comprendre que ce réveil politique (est) semblable à celui que l’on trouvait parmi les jeunes des Émeutes de Soweto du 16 juin 1976. » (Adebisi, OkayAfrica) (références en anglais)

« C’est la façon, pour la génération d’Afrique du Sud née libre, d’adopter la philosophie de Conscience noire de Biko qui affirme que « l’homme noir doit rejeter tous les systèmes de valeur qui cherchent à en faire un étranger dans son pays de naissance et à limiter sa dignité humaine fondamentale. » (Adebisi, OkayAfrica) (références en anglais)

Des féminismes intergénérationnels

Tout comme elle établit des liens entre l’activisme de Biko et le mouvement de dénonciation en Afrique du Sud, Adebisi est consciente que ses propres idées relatives au genre ont été façonnées par les féminismes de sa mère et de sa grand-mère – que celles-ci n’ont jamais nommés de la sorte.

« Ma grand-mère maternelle grimpait aux arbres et refusait d’épouser mon grand-père. La fille de ma grand-mère avait compris. Elle était le genre de femme avec lequel la plupart des hommes ne sont pas à l’aise. Ces femmes africaines étaient les premières féministes que j’ai connues, même si elles ne s’appelaient pas ainsi. C’est pour cela que je souris quand j’entends dire que le féminisme est non-africain. »

La jeune femme créative décrit son parcours fait de rejets de toute marque pré-formatée de féminisme et de modelage de sa propre version, un féminisme qui convienne à son contexte et à ses besoins. « J’ai plutôt tendance à concevoir le féminisme comme une pratique quotidienne, soutenue », explique-t-elle. Adebisi précise que certains de ses choix ne dépendent pas de ce qu’elle a à prouver, mais font bien partie de son espace et de sa zone de confort :

« Je tiens, par exemple, un appareil photo non pour prouver que les femmes sont meilleures à saisir des instants, mais parce que j’aime ça. Pour moi, le féminisme n’est pas une idéologie de concurrence. »

Au cas où vous vous poseriez la question, Adebisi nous a dit que sa grand-mère féministe a arrêté de grimper aux arbres, et a fini par épouser son grand-père. Mais, comme elle le dit elle-même :

 « Vous aviez sans doute déjà compris ça ».

La recherche d’Adebisi

Adebisi est devenue membre individuelle de l’AWID en mai 2017. Ses contributions d’écrivaine, de photographe et de blogueuse indépendante depuis le Nigeria suivent un rythme enlevé. The Female Orator, une plateforme en ligne qu’elle dirige, a été « créée pour informer, éduquer et inspirer les femmes africaines par le partage de contenu qui les concerne ».

Ses écrits sont parus dans African Feminism, OkayAfrica, Circumspecte, SheLeadsAfrica et le Huffington Post. Si elle a une très bonne maîtrise des questions contemporaines, elle se penche aussi sur les facteurs qui l’ont menée où elle se trouve aujourd’hui :

En tant que féministe de la troisième vague, je suis toujours le féminisme de ma mère. Mon affiliation avec le passé tient au fait qu’il marque toujours fortement mon présent, et ce parce que j’existe encore dans des espaces où le sexisme s’épanouit. Nous recherchons encore le changement, et l’égalité se trouve dans la deuxième vague. »

Les espaces dont parle Adebisi, où le sexisme, l’injustice et l’inégalité sociale perdurent, où la deuxième vague de féminisme rencontre la troisième, sont des points de convergence entre le passé et le présent. Là où les héritages et les luttes des féminismes de nos ancêtres croisent les nôtres. Là se trouvent également d’incroyables opportunités d’énergie renouvelée et de changement, à mesure que nous nous avançons dans nos horizons féministes.


Suivez Adebisi à @biswag, jetez un œil à The Female Orator et s'il vous plaît voir certains de ses travaux photographiques ci-dessous.

 

 

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AWID