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La mutilation génitale féminine et la chirurgie esthétique génitale : Ces deux gestes ont-ils quelque chose en commun ?

DOSSIER DU VENDREDI: A première vue, la mutilation génitale féminine et la chirurgie génitale à des fins esthétiques peuvent sembler intrinsèquement différents. Vus de plus près, ces deux gestes peuvent parfois présenter plus de similitudes qu’il n'en parait au départ.

Par Kathambi Kinoti

La mutilation génitale féminine (MGF) est une pratique ancestrale qui consiste à extirper une partie ou l'ensemble de l'appareil génital externe de la femme. Elle est surtout pratiquée dans certaines régions d'Afrique et du Moyen-Orient pour contrôler la sexualité des femmes. La chirurgie esthétique génitale est une pratique moderne réalisée, essentiellement par des femmes, pour améliorer l'apparence de leurs organes génitaux. Bien qu'il s'agisse de pratiques fondées sur des prémisses tout à fait différentes, elles présentent toutefois certaines caractéristiques communes.

La mutilation génitale féminine

L'Organisation mondiale de la santé (OMS) classifie les différentes modalités de MGF de la façon suivante :

  1. « La clitoridectomie: ablation partielle ou totale du clitoris (petite partie sensible et érectile des organes génitaux féminins) et, plus rarement, seulement du prépuce (repli de peau qui entoure le clitoris).

  2. Excision: ablation partielle ou totale du clitoris et des petites lèvres, avec ou sans excision des grandes lèvres (qui entourent le vagin).

  3. Infibulation: rétrécissement de l'orifice vaginal par la création d'une fermeture. Celle-ci est réalisée en coupant et en repositionnant les lèvres intérieures, et parfois extérieures, avec ou sans ablation du clitoris.

  4. Autres: toutes les autres interventions néfastes au niveau des organes génitaux féminins à des fins non médicales, par exemple, piquer, percer, inciser, racler et cautériser les organes génitaux. “

Les préjudices causés par les MGF sont nombreux : choc, hémorragie et septicémie sont parmi les complications immédiates. Certaines femmes et jeunes filles victimes de ces pratiques meurent d'hémorragie. A long terme, les femmes peuvent devenir stériles, connaître de graves difficultés lors des accouchements, souffrir de fistules obstétricales et d’autres problèmes de santé.

La MGF est reconnue dans le droit international ainsi que dans la législation de plusieurs pays comme une violation des droits humains mais c'est une pratique qui reste profondément enracinée dans les cultures.

Labiaplastie et autres procédures esthétiques modernes

On a récemment observé, dans les cultures modernes obsédées par la jeunesse et par la beauté, une augmentation considérable du nombre d’opérations chirurgicales esthétiques des organes génitaux auxquelles se soumettent des femmes qui cherchent à paraître plus jeunes ou plus belles. Entre 2004 et 2007, le nombre de labiaplasties réalisées dans des hôpitaux privés du Royaume-Uni a triplé, alors que l'augmentation a été de presque 70 % dans les hôpitaux publics du pays entre 2006 et 2008.[i]

Ces gestes chirurgicaux sont notamment « la réduction des petites lèvres (labia minora), le rétrécissement du vagin, la ‘reconstruction’ de l'hymen, les ‘ rehaussements’ du clitoris et la liposuccion du mont de Vénus (mons veneris) (tissu graisseux qui couvre la partie antérieure du pubis), ces deux dernières opérations étant réalisées pour des raisons de proportion après une réduction des petites lèvres, ainsi que des réductions du prépuce clitoridien et un repositionnement du clitoris. » [ii]

Viv Groskop[iii] a écrit à propos du nombre croissant de femmes désireuses de se soumettre à une chirurgie esthétique génitale : « Dans la plupart des cas, la labiaplastie est une simple réponse à un problème d'apparence physique des lèvres, au désir d'avoir des organes génitaux plus ‘ attirants’. » Tracey Plowman, psychologue sociale qui a révisé le documentaire ‘The Perfect Vagina,’ filmé au Royaume-Uni, signale : « Dans le monde de la chirurgie esthétique, la jeunesse et la beauté sont étroitement liées...[et] la chirurgie esthétique des organes génitaux féminins n'est pas une exception. »[iv]

Des gestes différents mais des caractéristiques communes

A la base, la MGF et la chirurgie esthétique des organes génitaux féminins présentent des caractéristiques communes car toutes deux impliquent une modification des organes génitaux féminins et aucune d'entre elles n'est réalisée pour des raisons justifiables du point de vue médical (hormis quelques cas rares où la modification génitale est nécessaire en cas de développement inadéquat des lèvres chez les petites filles).

Ces deux types de procédures sont réalisés sur la base de normes et d'attente culturelles.

Toute chirurgie ou excision corporelle présente des risques. D'une manière générale, ces risques sont beaucoup plus élevés dans le cas de la MGF car les femmes qui se soumettent à une chirurgie esthétique génitale ont généralement accès à des installations médicales de premier ordre. Dans certains contextes, la MGF est actuellement pratiquée par des médecins qualifiés en milieu hospitalier, bien que la « médicalisation[v] » de la MGF ait été fortement critiquée par des organismes internationaux tels que l'Organisation mondiale de la santé et les Nations Unies.

La première différence majeure entre les deux types de procédure est le consentement. Alors que la chirurgie esthétique génitale concerne des femmes qui acceptent de se soumettre à cette procédure, la MGF est essentiellement pratiquée sur des jeunes filles qui n'ont aucune capacité à consentir. Certaines femmes choisissent toutefois de se soumettre à une MGF, mais dans ce cas, la décision n'est pas toujours prise en connaissance de cause ou à partir d'une situation de pouvoir. En quoi consiste le consentement informé ? Plusieurs questions se posent sur la régulation de la pratique de la chirurgie esthétique. Les risques et les complications éventuelles de la chirurgie sont-ils bien expliqués ? Les femmes savent-elles que la procédure en soi n'est pas nécessaire ou qu'elles courent le risque d'avoir des hémorragies massives et d'en mourir ? Ou faut-il comprendre que les vulves présentent différentes formes et qu'il n'y a pas de forme « idéale » ?

Le pouvoir de la pression sociale

La MGF est une pratique destinée à réduire le désir sexuel des femmes, même s'il est admis qu'elle ne parvient pas toujours à supprimer ce désir. La MGF est aussi une question qui relève de la communauté. Il existe, dans de nombreuses cultures, une période régulière de circoncision durant laquelle les jeunes filles qui ont atteint un certain âge passent par des rituels collectifs qui « en font des femmes ». Ces rituels impliquent l'excision de certaines parties des organes génitaux ainsi que la transmission de particularismes sociaux et culturels qui les préparent à leur rôle de femme au sein de cette communauté. Pour certaines sociétés dans lesquelles la MGF est pratiquée, aucun rituel particulier n'est exigé des jeunes filles et des femmes mais la décision de leur pratiquer ou non la circoncision est encore considérée comme relevant de leur communauté. Le fait de ne pas s'être soumises à l'excision se traduit par leur isolement et leur exclusion du mariage. La MGF confère un statut social à de nombreuses parties prenantes : les parents, les familles élargies, les maris, les personnes qui pratiquent la circoncision et, naturellement, les femmes et les jeunes filles concernées.

Par ailleurs, la chirurgie esthétique génitale est une pratique considérée comme un moyen d'améliorer l'attractivité d'une femme. Même si le choix de se soumettre à une opération chirurgicale de ce type est individuel, le fait de croire que cette procédure est nécessaire est le résultat de l'évolution des valeurs d'une société qui définit le caractère désirable des organes génitaux. L’industrie de la beauté, les principaux moyens de communication et le secteur des soins à but lucratif se conjuguent pour exercer une pression considérable sur les femmes auxquels on exige de rester jeunes et belles en fonction de normes très rigides. Groskop cite une gynécologue, Dr Sarah Creighton qui signale : « les femmes recherchent aujourd'hui une certaine apparence au niveau des organes génitaux qui auparavant n'était une obligation que pour certains mannequins de luxe ». Même si certains peuvent argumenter que les femmes ont le droit de prendre des décisions sur leur propre corps, la constellation d'acteurs qui influencent la décision d'une femme de se soumettre à ce type d'opération chirurgicale rend très difficile de déterminer si ce choix a été véritablement informé.

Sara Johnsdotter et Brigitta Essén [vi] estime que « les procédures qui impliquent une modification des organes génitaux sont étroitement liées à des considérations politiques ; elles ne relèvent jamais exclusivement de l'anatomie et de la physiologie mais sont intrinsèquement liées aux normes culturelles et à l'idéologie. » Pour ce qui est des corps des femmes, ces normes culturelles et cette idéologie donnent lieu à des attentes quant à l'apparence extérieure des femmes. C'est pourquoi une femme qui décide de se soumettre à une chirurgie esthétique génitale peut avoir été induite à penser, de façon indue, qu’elle doit modifier une partie de son corps. Dans le cas de la MGF, ces normes culturelles et cette idéologie restreignent la sexualité des femmes.

Il ne faut jamais prendre à la légère le caractère préjudiciable et nocif de la MGF. En fait, beaucoup d'efforts sont consentis pour éliminer la MGF, avec un certain succès malgré la persistance de la pratique. Il est également important de remettre en question les idéologies modernes qui poussent les femmes à chercher à modifier leurs organes génitaux. Bien que prenant leur source dans des croyances différentes et provoquant des effets différents, ces deux pratiques ont leurs racines dans les impositions de la société sur le corps des femmes.

[i] “A cut too far: the rise in cosmetic surgery on female genitalia.” The Guardian, novembre 20, 2009. http://www.guardian.co.uk/lifeandstyle/2009/nov/20/cosmetic-vulva-surgery. Site consulté le 7 février, 2011.

[ii] Johnsdotter, S and Essén, B. 2010: “Genitals and ethnicity: the politics of genital modifications.”Reproductive Health Matters 2010; 18 (35) 29-37.

[iii] Voir note ii.

[iv] Plowman, T. “The Perfect Vagina.”Reproductive Health Matters 2010; 18(35) 111-114.

[v] Les MGF pratiquée par les médecins pour les rendre plus sûres – les défenseur(e)s considèrent que la réalisation de ce type de procédures inutiles sur des enfants est une violation de l'éthique médicale . (Broken bodies broken dreams, 2005:52)

[vi] Voir note ii

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Note: Cet article fait partie de la série hebdomadaire des « Dossier de Vendredi (Friday File en anglais) », de l’AWID qui explore des thèmes et évènements importants à partir de la perspective des droits des femmes. Si vous souhaitez recevoir la lettre d’information hebdomadaire « Dossier du Vendredi », cliquez ici.

Cet article a été traduit de l’anglais par Monique Zachary.

Category
Analyses
Region
Global
Source
AWID