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Discours de l'AWID à la session d'ouverture de la 59ème Commission de la condition de la femme

Je vous remercie, Madame la Présidente, ainsi que tous les éminents représentants et représentantes des Nations Unies et gouvernements ici présents. Je voudrais centrer mon intervention sur cinq messages clés qui ont été formulés par des centaines de femmes à travers le monde.

Commençons par un moment de célébration : Aujourd'hui, je célèbre les femmes - lesbiennes, noires, autochtones, femmes urbaines et rurales vivant dans des conditions de pauvreté, travailleuses, porteuses de handicaps, jeunes et moins jeunes, personnes trans et intersexes, dirigeantes de tous âges. Je célèbre le travail acharné et infatigable des femmes et des filles, actives dans des groupes et mouvements les plus divers qui transforment notre monde.

Les acquis de ces 20 dernières années ont été importants, et la transformation de certaines conditions difficiles auxquelles les femmes et les filles sont confrontées nécessite d’être mentionnée. Le niveau de prise de conscience, la reconnaissance et la visibilité que les droits des femmes ont actuellement dans nos sociétés est une avancée importante et représente une opportunité que nous devons continuer de saisir. Ces transformations ont été appuyées par le Programme de Beijing et par l'engagement de certains gouvernements à sa mise en œuvre.

La Directrice exécutive de L'AWID, Lydia Alpíraz, prononce son discours à la session d'ouverture de la 59ème Commission de la condition de la femme.

Nous devons également commémorer les vies de milliers de féministes et de défenseur-e-s des droits des femmes qui ne sont plus avec nous - soit parce qu'ils-elles sont mort-e-s au cours des 20 dernières années, ou parce qu'ils-elles ont été assassiné-e-s ou ont disparu. Nous honorons également toutes les défenseuses des droits humains qui font leur travail dans des conditions dangereuses, que ce soit dans des coins reculés du Congo, dans les montagnes du Mexique ou dans les rues d'Egypte ou d'Azerbaïdjan. Tout comme les femmes dont les terres et les moyens de subsistance sont menacés par le changement climatique dans le Pacifique et ailleurs.

Deuxièmement, aujourd'hui, nous devons reconnaître que les progrès réalisés sont très limités : Par le manque flagrant de volonté politique et de ressources financières, par le sexisme et la misogynie ordinaire, par la montée des fondamentalismes religieux qui affectent la qualité des accords passés par les gouvernements au sein de l'ONU et à d'autres niveaux. Tous ces facteurs ont entravé la réalisation des principaux engagements pris par les gouvernements et les autres acteurs-rices présent-e-s à Beijing.

Troisièmement, les défis actuels en termes de justice de genre et de droits humains des femmes à travers le monde exigent des actions urgentes et ambitieuses de la part des gouvernements, de l'ONU, mais également de la part du secteur privé et de la société civile. Ces défis incluent l'aggravation des inégalités, les discriminations structurelles qui persistent au cœur même de l’économie et qui ont pour conséquence que les femmes continuent de se faire exploiter, le changement climatique, le pouvoir croissant des fondamentalismes religieux dans toutes les régions et religions du monde et la violence contre sur les femmes et les communautés qui en résulte, les menaces posées par d'autres acteurs-rices non étatiques tels les réseaux criminels de plus en plus nombreux, le pouvoir croissant des sociétés multinationales sur les terres et territoires, l'approfondissement de certains conflits, la militarisation et la violence basée sur le genre, à la fois dans les situations de conflit et de non-conflit.

Quatrièmement, au fil des ans, nous avons observé une tendance inquiétante, celle de la criminalisation de la contestation sociale, de la répression et du rétrécissement des espaces démocratiques dans de nombreux pays. Cette tendance affecte également l'ONU et entrave la participation effective de la société civile.

Au sein de l'ONU, la Commission de la condition de la femme est un acteur clé pour l'établissement de normes dans ce domaine ; nous pensons qu’elle pourrait accroître son efficacité en mettant en place un processus permettant une participation plus significative de la société civile. A ce titre, le processus de négociation de la Déclaration politique que la Commission adoptera aujourd'hui - duquel la société civile a été largement exclue - représente un pas en arrière. 20 ans après Beijing, nous ne pouvons pas nous permettre de revenir en arrière.

Cinquièmement, le texte de la Déclaration politique est faible et ne va pas assez loin pour encadrer les changements transformateurs essentiels pour réaliser l'égalité de genre. Nous, les femmes du monde, femmes unies par delà notre diversité, nous méritons beaucoup mieux que cela. Nous méritons que vous mettiez de côté vos différences idéologiques, politiques et religieuses afin de reconnaître pleinement et d’affirmer les droits fondamentaux des femmes et des filles et la justice de genre. Rien de moins. Nous avons besoin de la pleine réaffirmation de la Plateforme d'action de Beijing, mais également d’un engagement fort pour garantir ceci:

• L’allocation des ressources financières nécessaires pour mettre en œuvre tous les accords et engagements en faveur de l'égalité de genre, de la justice de genre et des droits humains des femmes. Cela comprend des ressources significatives pour soutenir le travail vraiment crucial des organisations féministes et des organisations pour les droits des femmes à tous les niveaux. Ces ressources existent. Le défi est de les affecter de manière à donner une réelle priorité à l'égalité de genre et aux droits des femmes.

• Les droits humains, en ce compris (tous) les droits des femmes doivent se trouver au cœur de toute politique en faveur de l’égalité de genre, du développement durable et de la paix. Le tri sélectif entre les droits ne devrait être autorisé par aucun pays.

• Les droits sexuels, la santé et les droits reproductifs ne doivent pas être utilisés comme une matière à compromis entre les gouvernements lors des négociations. Des femmes et filles en meurent. Il faut que cela cesse.

• Comme cela a déjà été clairement énoncé à Vienne et à Beijing, la culture, la religion et la tradition ne peuvent être utilisées comme base de justification de violations et de discriminations en matière de droits des femmes et des filles, ou pour justifier des retards de leur mise en application où que ce soit.

• L’obligation pour les Etats de rendre des comptes sur les engagements pris, et ce par le biais de mécanismes appropriés.

• Les négociations sur les objectifs de développement durable, sur le programme de l’après-2015 et sur le financement du développement devraient mettre l'égalité de genre et les droits des femmes au cœur de tous les accords, en plus d'établir l’égalité de genre comme objectif prioritaire.

• Une approche intégrée de la protection de toutes les défenseuses des droits humains dans toute leur diversité et la prévention de toute violence à leur égard sont des conditions essentielles pour maintenir nos acquis et pour nous permettre de faire progresser notre travail. A ce titre, nous déplorons que toute référence aux défenseur-e-s ait été retirée de la Déclaration politique.

Notre cause est une cause fondamentale des temps présents. Une cause qui doit être défendue ici et maintenant. La lucha continua!

Je vous remercie.

Category
Déclarations
Region
Global
Topics
Beijing+20
Source
AWID