Profils

L’AWID est une organisation féministe, associative et internationale de soutien aux mouvements qui oeuvre pour la justice de genre et les droits des femmes à travers le monde.

Explorer la liberté à travers l’éducation, l’action, l’unité et la solidarité

Explorer la liberté à travers l’éducation, l’action, l’unité et la solidarité

Née le 12 mars 2006 à Bogota, en Colombie, Sentimos Diverso s’est installée en 2010 à Quito, en Equateur, où se déroulent aujourd’hui les activités de l’organisation. Cette dernière se définit comme un « collectif œuvrant à créer et développer des projets et des actions destinés à autonomiser les femmes, les adolescent-e-s, les jeunes et les personnes ayant des orientations sexuelles et des identités de genre diverses pour l’exigibilité des droits humains, sexuels et reproductifs ». 


Action, union et solidarité face à la discrimination 

L’idée de Sentimos Diverso est apparue après avoir assisté à une scène, un soir, dans le quartier de Chapinero, à Bogota, où « un groupe de bone-heads (une variante de skinheads à tendances néo-nazies) poursuivait deux personnes très jeunes qui essayaient d’entrer au Teatrón, un bar gay très à la mode. Nous n’avons jamais su ce qu’il leur était arrivé ; mais nous avons compris qu’il était important d’ouvrir un espace d’homo-socialité autre que celui de la vie nocturne, un espace de sécurité et de confiance où nous pourrions être qui nous sommes. Nous nous sommes dit qu’en utilisant l’art et la littérature, les jeunes pourraient exprimer leurs quêtes et leurs inquiétudes, qu’ils pourraient se trouver et rencontrer d’autres personnes. » 

Au début, les membres du collectif aspiraient à ce que la société dans laquelle elles et ils vivaient, le mouvement de la jeunesse et le secteur LGBTI de la ville, « comprennent ce que cela signifie d’être un-e jeune divers-e, nous voulions être considéré-e-s comme des sujets de droit, transformer l’idée que c’est un sujet purement politique pour l’axer sur le quotidien et visibiliser les différentes expériences. » 

Sentimos Diverso croit à la collaboration et à la créativité sur le lieu de travail, avec une équipe multi-disciplinaire. De gauche à droite : Gabrielle, Cristina, Isabel, Lenyn et David.

Catalina, Nikita, Viviana, Marleny, Eduardo et Gabrielle, six ami-e-s, se sont donc mis-es au travail. Leur première action a été de créer “Canelazo Literario”, qui « réunissait précisément le goût de la performance et la littérature en développant des ateliers autour de thématiques telles que le corps, la ville et la diversité ». Ils et elles ont rassemblé des jeunes qui ne se définissaient pas uniquement comme appartenant aux LGBTI, ou pour lesquel-le-s il était dangereux de le faire ; « nous avons joué avec les mots : hétéroperturbé-e-s, lesboflexibles, bicurieux-ses, transindécis-e-s et beaucoup d’autres, pour que les gens comprennent que nous n’étions pas si différents ». 

Autour de l’année 2010, la vie avait choisi des chemins différents pour les membres et il ne restait plus qu’une seule personne du groupe original. Cette dernière immigra en Equateur et emmena l’organisation avec elle. 

Le nouvel emplacement de l’organisation, le contexte, nouveau et différent, ont généré de nouveaux défis qui ont eux-mêmes provoqué un élargissement de son domaine de travail, couvrant dorénavant les thématiques des droits sexuels et reproductifs et se concentrant sur les femmes, les adolescent-e-s et les jeunes. « Avec ces personnes, nous travaillons sur l’autonomisation, la conscientisation du contexte, leurs droits et l’exigibilité de ces derniers. Ce travail se fait à travers des méthodologies d’éducation populaires, l’informel, l’art (théâtre, photographie, vidéos, arts plastiques) et la communication ». 

Stratégies pour mener à bien un travail transformateur 

Sentimos Diverso mène ses tâches et son engagement en faveur de la transformation sociale à travers quatre lignes de travail.

Sentimos Diverso utilise des produits éducatifs comme stratégie pour aborder les droits sexuels et reproductifs. El Canguilazo est un videoblog pour les jeunes. Ici observé par des étudiant-e-s d'un collège du nord de Quito.

Premièrement, la ligne pédagogique : en s’appuyant sur des stratégies ludiques, empiriques, artistiques comme la peinture, le théâtre de l’opprimé, la photographie, l’écriture créative et la vidéo, elle a permis à l’organisation de développer des méthodologies de travail afin d’aborder et diffuser les thèmes de la diversité sexuelle et de genre ainsi que des droits sexuels et reproductifs. Elle a également organisé des ateliers auprès de populations diverses comme des adolescent-e-s, des jeunes, des personnes LGBTIQ, des femmes, des réfugié-e-s, des migrant-e-s, des victimes de violences, des mères adolescentes et des enseignant-e-s. 

D’autres publications ont été créées dans le cadre de cette même ligne : “De cuento en cuento me narro diverso” (‘d’histoire en histoire je me raconte diversement’), fruit du travail réalisé avec des jeunes de Bogota ; “12 cosas sobre mí” (’12 choses à mon sujet’), qui est le résultat de près de quatre années d’activités avec des adolescent-e-s de la ville de Quito ; et “Cirila y Silbato son amigos” (‘Cirila et Silbato sont amis’), utilisé comme matériel stratégique pour prévenir la violence sexuelle dans les zones à risque en termes de catastrophes naturelles. 

La deuxième ligne est celle de la recherche, développée afin d’analyser plus en profondeur les réalités des populations avec lesquelles l’organisation travaille.

« Nous sommes actuellement en cours de rédaction des conclusions de la recherche "Ojos que no ven: Maternidad adolescente, violencia y estrategias de vida" (‘Ce que les yeux ne voient pas : maternité adolescente, violence et stratégies de vie’), où nous nous sommes penché-e-s sur les activités des mères adolescentes, leur exploitation au travail, leur contribution aux tâches domestiques et familiales, leur présence ou non dans le système scolaire, leurs relations et situation familiales et les nouvelles vulnérabilités auxquelles elles sont soumises ». 

Dans ce même cadre, l’organisation développe « la création du hacker space féministe en Equateur, dont le but est de sécuriser les activistes et développer les stratégies d’auto-surveillance dans l’espace virtuel. Nous travaillons actuellement à partager nos connaissances et à développer nos outils en vue de leur diffusion ». 

La troisième ligne de travail passe par la communication. C’est un domaine qui intéresse beaucoup les gens et où ces derniers s’investissent fortement, puisque la page web du collectif est fréquemment actualisée et que ce dernier publie régulièrement des analyses, ainsi que des interviews sur l’actualité concernant les droits sexuels, reproductifs, des femmes et de la population LGBTIQ en Equateur et dans la région. « En cette année 2017, nous développons un travail de journalisme dans lequel nous analysons ces thématiques d’un point de vue régional dans le cadre d’un suivi des Objectifs millénaires de développement, en particulier celui lié à l’égalité de genre. Nous avons déjà publié notre premier article «No nos pidan que volvamos al silencio» [en espagnol].»

La quatrième ligne clé du travail qu’accomplit l’organisation est celle des relations interinstitutionnelles, où elle se concentre à créer des réseaux avec les institutions publiques, les organisations sociales et les activistes. « Nous considérons que le travail collectif fait toute la différence, et c’est précisément cet espace commun qui nous a permis d’établir un réseau de travail avec d’autres organisations de la région. Par exemple, nous avons été activement impliqué-e-s dans la Campagne pour la convention interaméricaine des droits sexuels et reproductifs, et avons développé des travaux comme la Escuela Audiovisual Al Borde- Ecuador (Ecole audiovisuelle AL Borde Equateur), dirigée par Mujeres Al Borde de Colombia. Nous sommes également présent-e-s dans les espaces locaux, comme ce sera le cas au Encuentro feminista de Ecuador (Rencontre féministe d’Equateur) tout au long de l’année 2017 ». 

Notre collègue Ángela, faisant la promotion de « 12 choses à propos de moi » pendant le Forum de l'AWID, au Brésil.

Incitation à la réflexion

Le travail de Sentimos Diverso vise à inviter à penser et repenser comment démanteler l’hétéro-patriarcat ; sa touche la plus créative ressort dans tout ce que l’organisation déploie en termes d’éducation.

C’est avec fierté qu’elle nous parle de l’une de ses dernières publications, le carnet “12 Cosas sobre mí”, qui récapitule une partie du travail réalisé auprès d’adolescent-e-s et de jeunes dans les écoles et les centres d’accueil de la ville de Quito. 

« Le carnet repose sur la créativité et la provocation de réflexions qui, si elles ont été pensées par des adolescent-e-s et des jeunes, peuvent aussi bien être développées par des personnes de tous âges. Nous partons de l’idée que le livre propose des thématiques pour l’écriture créative et nous lui ajoutons notre perspective artistique et pédagogique. De cette façon, nous aurons 12 questions qui génèreront des réflexions autour de l’identité, la mémoire, le genre, l’auto-estime, l’autonomisation, l’orientation sexuelle et les projets de vie. Cet outil pédagogique est issu des ateliers que nous organisons pour les adolescent-e-s. A l’origine, l’idée était de lancer des manuels pédagogiques, mais un processus de création au sein de Sentimos Diverso a débouché sur ce concept qui a été très bien reçu, et que nous avons lancé au 13ème Forum de l’AWID. Nous l’utilisons actuellement comme outil de travail auprès d’élèves de secondaire adolescent-e-s dans la ville de Quito. »

Les élèves savent bien que la pérennité d’une organisation ou d’un collectif dépend très souvent de la mobilisation et des ressources octroyées. 

Lors du Forum de l'AWID : Edward, Ángela, Gabrielle et Isabel participent aux discussions et apprenent en équipe les différentes stratégies de travail et d'autonomisation.

A sa création, le collectif a été financé par les efforts et les ressources réunis par les membres. Depuis 2007, il bénéficie du soutien de Astraea Lesbian Foundation for Justice, « qui a cru en notre travail, en nos activités et a contribué de façon fondamentale à notre croissance en tant qu’organisation sociale et en tant qu’activistes. Cette fondation nous a non seulement proportionné un soutien économique, mais elle a aussi proposé des formations et des rencontres qui se sont avérées importantes pour conserver notre dynamisme ».

Le soutien dont nous bénéficions de Mama Cash depuis 2014 a largement influencé la croissance et l’institutionnalisation de Sentimos Diverso en Equateur. « Nous avons aujourd’hui quelques projets qui prennent de l’ampleur et nous sommes conscient-e-s qu’il faut leur accorder un budget à part entière ; nous trouvons ainsi peu à peu des gens qui décident de nous croire et prennent le pari de nous soutenir. C’est aujourd’hui le cas de l’IWHC, qui a choisi de nous aider moyennant un projet que nous avons momentanément baptisé “especiales Editoriales” (spécial éditoriaux), et qui vise à renforcer nos habilités et nos apprentissages dans le domaine de la Communication ». 

Source
AWID