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Une femme sur cinq à l’écart

Quel est le message entre les mots ?

Chercheuse et activiste dans le domaine des personnes porteuses de handicap, Martina Shabram écrivait dans un article récent combien le virus Zika révèle les préjugés que nos sociétés nourrissent à l’égard du handicap. « Trop souvent, les récits autour de la microcéphalie reposent sur des idées préconçues, courantes et dérangeantes, concernant le genre de vies qui valent la peine d’être vécues. »

Le virus Zika est utilisé de façon controversée pour élargir les droits reproductifs et l’accès à l’avortement,  la plupart du temps sans tenir compte de l’impact des messages sous-jacents suivants :

  • Faire des bébés (ou des adultes) présentant une microcéphalie (ou tout autre handicap) devrait être évité à tout prix,
  • La situation des personnes vivant avec un handicap dans la société est moins importante que celle des mères / femmes (sous-entendu, non-handicapées), et
  • Les femmes porteuses de handicap qui sont également enceintes, et de ce fait sujettes à de multiples formes de discrimination, ne méritent pas qu’on se penche sur leur situation.

Sortons de nos schémas de pensée habituels, pensons identités multiples

Nous cherchons à jeter les bases d’une discussion qui reflète les droits et la dignité intrinsèques de toutes les personnes affectées par le virus Zika en adoptant une perspective intersectionnelle qui tienne compte des droits des personnes porteuses de handicap et des droits des femmes.

Dans le cadre de notre travail auprès de la communauté internationale des personnes handicapées, et plus particulièrement auprès des organisations de femmes porteuses de handicap, nous avons trop souvent constaté que ces personnes  étaient définies par leur seul handicap, laissant de côté toute autre identité possible. Lorsque vous avez un handicap, vous n’êtes ni femme, ni autochtone, ni noire, ni amante, ni mère. Votre handicap requiert des besoins spécifiques ; des besoins qui ne sont apparemment pas les mêmes que ceux des autres, à savoir avoir une famille, avoir accès à l’éducation, avoir un travail, avoir accès à la justice si nécessaire et pouvoir voter.

La majorité des gens à travers le monde sont d’avis que si vous avez un handicap, c’est votre problème (médical).

Dix ans après l’adoption de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, un changement s’impose. La Convention a préparé le terrain pour montrer au monde que le handicap est une question de barrières sociétales, comportementales et environnementales – des barrières que la société peut aider à faire tomber pour ouvrir la porte au dialogue.

Où se trouvent les femmes porteuses handicap ?

La cartographie récente établie par Women Enabled International fait état de 90 organisations de femmes porteuses de handicap à travers le monde. Ce sont pour la plupart des organisations émergentes, de petite taille et largement dénuées de ressources. Elles n’en sont pas moins actives, revendiquent leurs droits et provoquent le changement. Quels sont leurs principaux champs de bataille ? La violence et l’accès aux services dans le domaine de la santé sexuelle et reproductive.

D’après le rapport de la rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la violence contre les femmes de 2012, Rashida Manjoothe, le taux de la violence à l’égard des femmes – y compris la violence basée sur le genre et la violence sexuelle – est trois à quatre fois supérieur pour les femmes porteuses de handicap que pour les femmes sans handicap. Dans la plupart des endroits où le Disability Rights Fund (Fonds pour les droits des personnes handicapées) et de Women Enabled International sont actifs, les femmes handicapées n’ont accès ni à l’information, ni aux services relatifs à la santé sexuelle et reproductive, ni aux services de prévention de la violence, ni aux services juridiques.

En outre, la plupart des femmes vivant avec un handicap ne sont pas intégrées aux mouvements locaux de droits des femmes.

Lorsque l’on sait qu’il existe un milliard de personnes au monde vivant avec un handicap, cela revient à dire qu’au moins une femme sur cinq est exclue.

Ouvrir le dialogue et définir les femmes

Le Forum de l’AWID qui se tiendra prochainement au Brésil – et inclura plus de femmes vivant avec un handicap que jamais auparavant (mais toujours moins de 19%) – crée une ouverture pour abolir les barrières et favoriser une plus grande collaboration entre le mouvement pour les droits des femmes et le mouvement pour les droits des femmes handicapées, qui ne devraient finalement former qu’un seul et même mouvement !

Nous considérons le Forum comme une occasion d’entamer des discussions autour de questions essentielles, comme celles-ci :

  • Comment former de solides coalitions entre les organisations pour les droits des femmes et celles pour les droits des femmes handicapées ?  
  • De quelle façon pouvons nous contribuer à rendre des évènements tels que le Forum de l’AWID, Women Deliver et d’autres conférences sur les droits des femmes plus accueillants, plus accessibles et tenant compte des femmes porteuses de handicap ? Comment remédier au fait que les femmes ayant un handicap (qui ont souvent des ressources financières limitées en raison de leur plus grande pauvreté économique) ne peuvent généralement pas se permettre d’assister à de telles conférences ?
  • Pourquoi les femmes handicapées n’interviennent que lors des sessions  qui concernent les questions relatives aux femmes handicapées et pas dans d’autres sessions sur les droits des femmes ? Les femmes avec un handicap sont des femmes, elles aussi !
  • Quelles mesures pouvons-nous prendre pour encourager les défenseurs-euses des droits des femmes à participer aux évènements dédiés au thème du handicap, tels la Conférence annuelle des États parties à la Convention relative aux droits des personnes handicapées, organisée par les Nations Unies, afin d’œuvrer ensemble à ce que les droits des femmes handicapées puissent faire l’objet d’une plus grande attention ?
  • Comment orienter nos discussions autour du droit à l’avortement d’un point de vue à la fois du droit des femmes et de celui du droit des femmes handicapées, afin de favoriser le renforcement d’un mouvement plus collaboratif et éviter la stigmatisation du handicap ?
  • Pourquoi les femmes handicapées sont-elles rarement impliquées dans les discussions sur la violence basée sur le genre et sur la santé et les droits sexuels et reproductifs ?

Ce n’est qu’en abordant ces questions dans une atmosphère d’inclusion ouverte et positive que nous pourrons espérer commencer à élargir le mouvement des droits des femmes et gagner du terrain en multipliant nos voix pour réclamer le changement.


À propos des auteures: 

Diana Samarasan est la directrice générale et fondatrice du Disability Rights Fund et du Disability Rights Advocacy Fund, qui l’un comme l’autre fournissent des ressources aux personnes vivant avec un handicap dans les pays du sud afin de leur permettre de plaider en faveur d’une égalité de droits et d’opportunités. Le travail de Diana réinvente le modèle de « charité » en faisant participer les communautés bénéficiaires à la prise de décisions au sein du Fonds et dans la société. Diana fait également partie des groupes de pilotage de l’ International Human Rights Funders' Group (groupe international des bailleurs de fonds pour les droits humains) et d‘Opportunity Collaboration, et est membre du Comité états-unien du Conseil international sur le handicap. Elle détient une Maîtrise en administration publique de la Harvard’s Kennedy School. 

Stephanie Ortoleva est la présidente fondatrice et directrice juridique de Women Enabled International (WEI). WEI assure la défense et l’éducation en faveur des droits humains de toutes les femmes et les filles, en mettant l’accent sur les femmes et les filles porteuses de handicap. WEI œuvre sans relâche à inclure les femmes et les filles handicapées dans les résolutions, les politiques et les programmes à l’échelle internationale qui envisagent les droits humains et le développement durable à travers la collaboration avec des organisations de femmes et de filles ayant un handicap et d’organisations pour les droits des femmes. Stephanie a été nommée Women's ENews 21 Leaders 2016 (en anglais)- elle se mobilise pour les femmes et les filles ! Stephanie a obtenu son diplôme en Droit de la Hofstra University Law School avec les honneurs.

Lisez l’article de WEI Sujets de discussion: virus Zika, microcéphalie, droits des femmes et droits des personnes handicapées.

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Analyses