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Quel genre d’État pour quel genre d’égalité ? Conférence de la CEPALC

DOSSIERDU VENDREDI: La onzième Conférence régionale sur les femmesd’Amérique latine et des Caraïbes s'est tenue du 13 au 16 juillet 2010 à Brasilia, en présence de plus de 700 délégué(e)s venu(e)s de trente-trois pays de la région, et de représentants du monde politique et de la société civile.

Par Gabriela De Cicco

« La Conférence régionale sur les femmes d’Amérique latine et des Caraïbes est un organe subsidiaire de la Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC) », qui se réunit régulièrement depuis 1977, année de la première conférence tenue à La Havane,Cuba.*

Tous les trois ans, ministres et responsables depolitiques d’égalité se réunissent pour identifier et évaluer la situation dans leurs pays ; souligner les avancées, analyser les reculs au niveau régional commeinternational, et décider des prochaines étapes à franchir par les gouvernements pour obtenir l’égalité de genre dans la région.

Grâce à sa trajectoire historique, cette conférence surles droits des femmes est l'un des sommets politiques les plus importants de notre région, car elle donne vie à ces analyses et dialogues au niveau régional.

Quel genre d’État pour quel genre d’égalité ?

« Quel genre d’État pour quel genred’égalité ? » était le thème de cette onzième conférence régionale.La CEPALC y a présenté un exposé de principes (2) « détaillant lesréalisations et les défis auxquels sont confrontés les gouvernements de larégion en matière d'égalité de genre, à la lumière des interactions entrel'État, le marché et les familles, en tant qu'institutions sociales construitesau moyen de politiques, d'institutions, de lois, ainsi que d'us et coutumesqui, ensemble, créent les conditions pour changer ou perpétuer les hiérarchiessociales et de genre ».

L’objectif de la récente conférence a justement étéd’examiner les réalisations et les défis dans la région, tout en mettantl’accent en particulier sur l’autonomie et l’autonomisation économique desfemmes, sur la base d’une évaluation des principales avancées et défis majeurspar rapport aux engagements pris lors de la quatrième Conférence mondiale surles femmes tenue à Beijing en 1995, mais aussi lors de conférences régionalessur les femmes. (3)

Dans la présentation de ce document d'une centaine depages, Alicia Bárcena, Secrétaireexécutive de la CEPALC, indique ainsi : « le document soulignel’importance des responsabilités des États en ce qui concerne le respect, laprotection et l’application intégrale des droits humains, par l’articulationdes droits sociaux, politiques, économiques et culturels, et l’engagement des pouvoirsexécutif, législatif et judiciaire à concevoir des politiques publiquesuniverselles, qui supposent intrinsèquement que les politiques du travail sontindissociablement liées aux politiques et aux mécanismes nécessaires pourtransformer la reproduction sociale en une tâche collective.

Il souligne également la nécessité d’orienter lespolitiques vers la conciliation de la vie professionnelle et de la viefamiliale, et pose aux États et à l’ensemble de la société la question durenforcement des initiatives pour que les femmes surmontent les obstacles quiles empêchent d’avoir une plus grande mobilité et de meilleures carrièresprofessionnelles sans discrimination pour le plein exercice de leurcitoyenneté.

Il met en lumière ensuite les progrès en matière dedroits économiques et sociaux, et de participation politique des femmes, enmême temps qu’il présente des données permettant de déceler la persistance oul’apparition de nouvelles inégalités qui, loin d’afficher une trajectoirelinéaire dans la région, dessinent une carte complexe qui montre l’existenced’inégalités croisées entre le développement économique, politique et socialdes femmes, ce qui met en évidence les hauts et les bas, les blocages et larésistance au changement. »

Consensus deBrasilia

Quinze années après l’adoption du programme d’action dela quatrième Conférence mondiale sur les femmes à Beijing en 1995, le« Consensus de Brasilia » reconnaîtparmi les succès et améliorations à retenir « que les principauxprogrès accomplis par les pays concernent en particulier l’accès accru desfemmes à l’éducation et aux soins de santé, l’adoption de cadres juridiqueségalitaires pour la création et la consolidation de mécanismes de promotion desfemmes, l’élaboration de plans et de programmes visant à l’égalité entre lessexes, la définition et la mise en œuvre de plans nationaux d’égalité deschances, l’application d’une législation visant à prévenir toutes les formes deviolence à l’égard des femmes, à pénaliser ceux qui s’en rendent coupables et àgarantir les droits humains des femmes, la présence en nombre croissant defemmes à des postes de prise de décision et les mesures visant à lutter contrela pauvreté ».

Outre la reconnaissance de ces avancées, le« Consensus » intègre des thèmes plus récents qui n’avaient jamaisété abordés ainsi dans des documents régionaux, comme le féminicide.

Le « Consensus » note également les obstacles qui limitent ou empêchentl’existence d’une véritable égalité de genre ainsi que ceux qui soulignentl’urgence et la nécessité de multiplier les efforts grâce auxquels toutes lesformes de violence faite aux femmes pourront être éradiquées. Parmi cesobstacles, le texte signale la « féminisation de la pauvreté, ladiscrimination sur le marché du travail, la division sexuelle du travail, lemanque de protection sociale et l’accès déficient à l’éducation et aux servicesde santé, y compris de santé sexuelle et reproductive, ainsi que le travaildomestique non rémunéré, la discrimination selon la race ou l’ethnie et lesmesures adoptées de façon unilatérale à l’encontre du droit international de laCharte des Nations Unies, dont les principales répercussions touchent lesfemmes, les petites filles et les adolescentes ».

Accords d’action

Les accords d’action proposés par le « Consensus deBrasilia » sont au nombre de huit :

- Adopter des mesures pour qu'existe une plus grande autonomie économique et plus d’égalité dans la sphère du travail.

Parmi les propositions, on trouve celle de « Mener à bien des politiques volontaristes sur le plan du marché dutravail et de l’emploi productif afin de favoriser l’augmentation du tauxd’activité féminin, la formalisation de l’emploi et l’occupation de postes deprise de décision de la part des femmes, ainsi que la réduction des taux dechômage, en particulier pour les femmes d’ascendance africaine, les femmes depeuples autochtones et les jeunes femmes sujettes à la discrimination fondéesur la race, le sexe et l’orientation sexuelle, de manière à garantir untravail décent pour toutes, et l’application du principe à travail égal salaireégal ».

- Renforcer la citoyenneté des femmes en promouvant etrenforçant les politiques publiques garantissant le respect, la protection etl’application de tous les droits humains des femmes, quel que soit leur âge etcondition, considérés comme les bases des processus démocratiques ;

- Accroître la participation des femmes aux processus dedécision et aux sphères de pouvoir etaccroître et renforcer les espaces de participation égalitaire des femmes en termes de formulation et de mise enœuvre des politiques dans tous les domaines des pouvoirs publics ;

-Confronter toutes les formes de violence faite auxfemmes en adoptant des mesurespréventives, punitives, de protection et de prise en charge des femmes quicontribuent à l’éradication de toutes les formes de violence de genre, et degarantir aux femmes l’accès à la justice et à l’aide juridique gratuite.

- Faciliter l’accès des femmes aux nouvelles technologieset promouvoir des moyens de communication égalitaires, démocratiques et nondiscriminatoires.

- Promouvoir la santé intégrale et les droits sexuels etreproductifs des femmes, et garantir les conditions et les ressourcesnécessaires à la protection et à l’exercice de ces droits à toutes les étapesde leur cycle de vie et dans les différents groupes de population, en excluanttout type de discrimination, dans le contexte de l’approche intégrale duprogramme d’action de la Conférence sur la population et le développement.

- Mener à bien des activités de formation, d’échange etde diffusion permettant la formulation de politiques publiques fondées sur lesdonnées de l’Observatoire de l’égalité de genre en Amérique latine et dans lesCaraïbes.

- Promouvoir la coopération internationale et régionaleen vue de l’équité de genre. (4)

Résolutions

Deux projets de résolutions, repris par le « Consensus de Brasilia »,ont été présentés lors de la Conférence : l’une sur la nouvelle entité ONU Femmes (enespagnol); la seconde en solidarité avec la situation en Haïti etau Chili depuis les tremblements de terre (en espagnol).

Eu égard à ONUFemmes, l’un des débats a porté sur l'importance de la création parcette nouvelle entité de mécanismes de participation réelle qui soient clairspour la société civile, notamment les organisations de femmes, à tous lesniveaux ; également, l’importance de veiller à ce que les financementsd’ONU Femmes proviennent de nouvelles sources de la part des donateurs, et nonpas d'imputations à des fonds existant actuellement pour d’autres agences del’ONU ou pour la société civile. Dans divers espaces, on a souligné le faitqu’il ne sera pas souhaitable que cette agence se transforme en une instancequi absorberait les ressources limitées déjà existantes, mais au contrairequ’elle permette de catalyser et de mobiliser de nouvelles ressources –ressources qui puissent servir à soutenir les mouvements et organisations defemmes de toutes les régions.

Un chœur de voix alertes

Plusieurs déclarations ont été faites au cours de foraorganisés avant la onzième Conférence, ou lors de réunions tenues dans son cadre :

L’une d’entre elles provient du Forum d’organisationsféministes (Foro deOrganizaciones Feministas); une autre a été rédigée par le Réseau des femmesafro-latino-américaines, afro-antillaises et de la diaspora (Red de Mujeresafrolatino americanas,afrocaribeñas y de la Diáspora); et ladernière est la déclaration des femmes autochtones (la Declaración deMujeres Indígenas).

La participation des femmes autochtones et d’origineafricaine a été aussi nombreuse qu’importante : leurs contributions lorsde la conférence ont été vitales, et leur travail de plaidoyer a été essentiellors de la rédaction du « Consensus de Brasilia » qui reflètefinalement clairement certaines de leurs demandes.

Une lettre ouverte de « Réflexions de jeunes féministes à laCEPALC » a également été présentée en espagnol.

* La rédaction du présent article se base sur la pageofficielle de la conférence, sur le rapport et l’analyse réalisés par l’Observatoiredu genre et de l’équité ainsi que sur des commentaires faits par certainesdéléguées.

Notes

1- Site officiel de la conférence

2- Document « Quel genre d’État pour quel genred’égalité ? »

3- Discours, vidéos et présentations en espagnol

4- Rapport et analyse de la Conférence rédigés parl’Observatoire du genre et de l’équité (Observatorio deGénero y Equidad)

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Note: Cet article fait partie de la sériehebdomadaire des « Dossier de Vendredi (Friday File en anglais) », de l’AWIDqui explore des thèmes et évènements importants à partir de la perspective desdroits des femmes. Si vous souhaitez recevoir la lettre d’informationhebdomadaire « Dossier du Vendredi », cliquez ici.

*Cet article a été traduit de l’espagnol par Emmanuelle Rivière.

Category
Analyses
Source
AWID