Informez-vous

Votre source d’information par excellence sur les dernières tendances touchant la justice de genre et les droits des femmes dans le monde

Asia Pacific Feminists Gather to Share, Strategize, Learn and Mobilize

Le tout premier Forum Féministe de la région Asie-Pacifique s'est tenu du 12 au 14 décembre 2011 à Chiang Mai, Thaïlande. Ce Forum, qui a réuni quelque 120 activistes de la région, a été organisé par le Forum Asie-Pacifique sur les femmes, le droit et le développement (APWLD)[1]. L’AWID s'est entretenue avec Kate Lappin, de l’APWLD avant et après cet événement historique.

Par Rochelle Jones

La région Asie-Pacifique se caractérise par l'hétérogénéité à la fois de sa population et de ses nombreux enjeux. Ainsi, le Rapport sur le Développement Humain dans la région Asie-Pacifique de 2010[2] indiquait que « Malgré une amélioration générale des indicateurs de prospérité économique, des niveaux d'instruction et de l'accès aux soins de santé pour la population de la région au cours des dernières décennies, l'écart entre les sexes est resté invariable. » Toutefois, ce même rapport suggère que « l'Asie-Pacifique est aujourd'hui mieux en mesure que jamais d'accomplir des progrès accélérés vers l'égalité de genre.»

Voyons le Forum Féministe de l'Asie-Pacifique (FFAP). Ce premier FFAP a été organisé par le Forum Asie-Pacifique sur les femmes, le droit et le développement (APWLD) et a réuni des femmes juristes, universitaires, défenseures et dirigeantes de la jeunesse de toute la région. Selon l’APWLD, qui commémore également son 25e anniversaire en 2011, ce Forum serait « l'occasion de célébrer nos réalisations collectives, de réfléchir sur les défis et les contextes politiques auxquels nous sommes confrontées, de renforcer les connaissances et les analyses féministes, de consolider notre solidarité féminine et notre collaboration, et de réaffirmer notre détermination de faire avancer les droits des femmes. »[3]

À propos des principaux défis rencontrés par le(s) féminisme(s) de la région Asie-Pacifique, la coordinatrice régionale de l’APWLD, Kate Lappin nous a expliqué: « Il existe des défis communs ainsi que des différences majeures. La mondialisation néolibérale et la crise financière mondiale font peser une charge énorme sur les femmes pauvres de la région. L'Asie est considérée comme le moteur de la croissance économique mondiale, capable de sortir le monde de la crise financière déclenchée par Wall Street. La lourde responsabilité qu'implique la production d'une plus grande richesse mondiale est retombée sur les femmes pauvres d'Asie qui travaillent dans les zones franches, où n'existent ni protection du travail ni environnement sain, et qui ont été séparées de leurs familles et de leurs communautés.

La région est également sujette aux catastrophes associées au climat qui provoquent plus de décès, de déplacement et de problèmes de santé que dans n’importe quelle autre région. Les femmes sont évidemment celles qui souffrent le plus des effets de ces catastrophes ; et pourtant, elles sont pratiquement exclues des débats politiques sur la justice climatique.

L'utilisation des fondamentalismes religieux et culturels pour exercer un contrôle sur les femmes reste également un obstacle majeur à la réalisation des droits des femmes dans la région, des hauts -plateaux de la Papouasie Nouvelle-Guinée où les femmes sont encore torturées, assassinées et accusées de sorcellerie durant les conflits fonciers, au Pakistan ou à certaines régions de l'Indonésie où les femmes sont accusées d'indécence et poursuivies par la police religieuse. Les pratiques fondamentalistes se fondent avec le patriarcat pour dominer les femmes dans la région. De même, le conflit et la militarisation continuent de toucher surtout les femmes. Les défenseures des droits humains des femmes sont à la tête de mouvements pro-démocratie aux Fidji ainsi qu'en Birmanie. »

Lappin explique ensuite pourquoi le FFAP est si important, à la fois comme moyen de discuter et d'attaquer certains de ces problèmes et comme instance permettant aux femmes de récupérer tout simplement leurs énergies et de s'amuser : « Il est question depuis un certain temps d'une réunion de féministes de la région Asie-Pacifique. D'autres continents ont créé un espace permettant aux féministes de se rencontrer et de partager leurs expériences, d'élaborer des stratégies, d'apprendre les unes des autres, de se mobiliser et de jouir de leur solidarité mutuelle. En 2009, plusieurs membres de l’APWLD ont décidé qu'il était temps pour l'Asie-Pacifique de se doter de ce même type d'espace, c'est ainsi qu'est né le concept du FFAP, espace vital à la lumière des mouvements politiques et sociaux mondiaux et de leurs répercussions pour les femmes dans le monde entier. Le Forum est en effet important en tant qu'espace permettant de détecter collectivement les enjeux qui se posent pour notre mouvement et d’élaborer des stratégies pour y réagir. Il est également important en tant qu'espace pour apporter un soutien aux jeunes féministes et au mouvement des femmes qui luttent dans les pays où la répression des défenseures des droits des femmes est courante. »

Quant à leurs attentes vis-à-vis du FFAP, Lappin signale : « Nous souhaitons dynamiser le mouvement des femmes, renforcer notre activisme, fournir un espace d'apprentissage et de réflexion et soutenir la prochaine génération de féministes. Nous espérons développer les réseaux de femmes, en encourageant notamment le rapport entre les activistes les plus expérimentées, là où le mouvement des femmes est consolidé, et les pays où le mouvement est encore embryonnaire et a besoin de davantage de solidarité régionale. Nous souhaitons que les participantes recueillent des idées, des approches et des techniques nouvelles, avec une détermination et un engagement renouvelés. Nous espérons également fournir aux féministes un espace leur permettant de savourer la solidarité féminine et de profiter d’un moment de détente, de réflexion et de divertissement! »

Les participantes à le FFAP ont représenté un large éventail de défenseures des droits des femmes et de l’égalité de genre de la région. Étaient présentes, par exemple, des femmes provenant de divers pays comme les îles Salomon, la Corée, le Cambodge, le Sri Lanka, l’Inde, la Papouasie occidentale, le Bangladesh, les Philippines, les Fidji, la Malaisie, le Japon, Singapour, Hong Kong, le Népal, la Chine, l'Indonésie, le Pakistan, le Myanmar, l'Australie, la Mongolie, le Kirghizistan, le Kazakhstan et, naturellement, la Thaïlande. Des représentant(e)s de la communauté des bailleurs de fonds et d'ONU Femmes ont également assisté au Forum, de même que des ONG internationales et locales et des activistes. Lappin a fait remarquer que « la présence de nombreuses jeunes femmes, par exemple de jeunes activistes cambodgiennes qui n'étaient pas très sûres de ce que le féminisme représente et participaient pour la première fois à un événement international, a apporté un renouveau en termes de connaissances, de tactiques et d'énergie. Une délégation de femmes handicapées assistait également pour la première fois à une réunion au cours de laquelle elles ont pu discuter d'une perspective féministe du plaidoyer sur le handicap. »

Cet événement, d'une durée de 3 jours, a aussi comporté des ateliers sur les thèmes des droits des employées domestiques migrantes ; l'utilisation de la technologie au service des droits des femmes ; les droits sexuels et en matière de santé reproductive ; les comptes que les femmes demandent aux états ; la construction d'un cadre de développement féministe durable ; et la CEDAW et les lois musulmanes de la famille, entre autres. Un espace a également été réservé pour des activités créatives de divertissement telles que des séances matinales de yoga, le Festival du Film Féministe et le Défilé de Mode Féministe illustrant le message de combat et de résistance des femmes à l'encontre des fondamentalismes, de la militarisation et de la mondialisation. Selon Lappin, « cet événement (le FFAP) nous a permis d'expérimenter de nouvelles approches participatives de ce type de réunion. IlIIll n'y eut aucun discours ni présentation formelle en réunion plénière. Nous avons préféré utiliser des entrevues, des ateliers pratiques, des narrations et le partage de compétences. »

LE FFAP a abouti à plusieurs résultats importants, dont certains sont encore sous examen, selon l'APWLD, notamment:

  • La formation d'un réseau de femmes handicapées pour l'Asie-Pacifique ;

  • Le développement d'un processus pour répondre collectivement à la réduction du financement de l'action en faveur des droits des femmes dans la région et la réalisation de campagnes pour obtenir un soutien durable ;

  • L’institution du FFAP comme réunion biennale ou triennale dans la région.

D'une manière générale, Kate a considéré que le FFAP a été « un événement très amusant, stimulant et qui a permis à beaucoup d'entre nous d'établir des contacts avec de nouvelles activistes ainsi qu'avec de retrouver des amies de longue date. »

[1] L'APWLD est un réseau régional qui œuvre en faveur des droits humains des femmes ; il est composé de 180 membres distribués dans 25 pays de la région de l'Asie-Pacifique et sa mission est de permettre aux femmes d'utiliser le droit en tant qu'instrument de changement social, d'égalité et de développement.

[2]http://hdr.undp.org/en/reports/regional/asiathepacific/RHDR-2010-AsiaPacific.pdf

[3]http://www.apwld.org/our-work/asia-pacific-feminist-forum/

Category
Analyses
Region
Asie
Pacifique
Source
AWID